Ils sont tous un peu cabossés ces gens, un peu paumés, un peu foutus, avec des souvenirs qui bringuebalent et une enfance en travers de la gorge. Ils ressemblent à ces vêtements rafistolés à la
hâte avec des pièces mal taillées qui laissent passer le froid de l'hiver. Tous singuliers et tous un peu semblables ces personnages, modestes trajectoires humaines qui conjuguent des paradoxes
comme d'autres accumulent des galères : la tendresse et la peur, l'attente et l'oubli, la lâcheté parfois, l'envie de continuer souvent...
Tous un peu comme nous.
C'est qu'il y a dans ces points de suspension, dans ces requiem inachevés quelque chose qui résiste, quelque chose qui ne passe pas, quelque chose qui lutte, qui dure, qui y croit encore.....
Après tout pourquoi pas? et si c'était possible? Si j'en étais capable? Si l'on pouvait...
La pièce de Jacques Hadjaje offre un moment de répit à ces anti-héros, une respiration, un moment de vérité où le temps se suspend pour que quelque chose qui vient de très loin puisse se dire.
Une parole restée longtemps sur le coeur qui affleure, l'espace d'un instant, jusqu'au rivage des lèvres. Fugitifs comme la lumière, ces éclairs de lucidité laissent apparaitre une humanité
fragile qui aspire à baisser les armes pour un temps, fut-il bref, de compassion et de fraternité. Jusqu'à ce que l'obscurité reprenne ses droits.
Cinq comédiens interprètent tour à tour une douzaine de personnages. Entre ces séquences, seule demeure sur le
plateau une lueur fragile, suspendue en fond de scène comme un phare dans la nuit pour les marins égarés, un point d'or qui tient éveillé le courage...
Entre-temps j'ai continué à vivre
Ecrit et mis en scène par Jacques Hadjaje - Théâtre du Lucernaire
Jusqu'au 2 février 2014
Écrire commentaire