Il fallait oser. Aborder le sujet éminemment sensible de l’euthanasie dans une pièce d’une heure trente mettant en scène des personnages directement inspirés de faits réels. La pente est glissante. Posture manichéenne et jugements à l’emporte-pièce sont à portée de main, qui pourraient menacer de faire glisser le traitement artistique sur le terrain de la polémique.
Mais il n’en est rien. Le pari est réussi.
Amédée est un jeune homme comme tant d’autres. Un peu là et un peu ailleurs, il veut être acteur de sa vie et héro de ses jeux vidéo. Un enfant comme tant d’autres qui cherche sa place au soleil. Et puis survient ce jour, fatal. Fin partie pour ce joueur invétéré dont la vie se réduit, en un instant, à un souffle improbable, presque imperceptible, sous les débris fumants de taule froissée. Un accident qui fait irrémédiablement basculer sa vie du côté du monstre, du côté de cette réalité que l’on ne peut soutenir du regard et qui pourtant, bien vivante sous les paupières mi-closes, se tourne et se retourne, se cherche une vie pour exister.
Il y a des choses que seul le théâtre peut dire. Dire de cette voix qui lui est propre et qui n’est ni affirmation péremptoire, ni jugement hâtif. Ce que le théâtre peut dire, il le dit avec des corps et des mouvements, des silences et des non-dits. Faibles signaux d’une réalité complexe que seules les trajectoires humaines peuvent raconter. Nul relativisme dans le croisement des postures, mais une intuition qui s’installe, peu à peu, dans la conscience du spectateur, celle qui porte à croire que la liberté de choisir et la volonté de lutter contre ce qui abat, ébranle ou fragilise, ne peut s’exercer que dans un espace de silence dont la société trop souvent nous prive.
Renoncer à la tentation du spectaculaire, régime de visibilité trop facile d’une souffrance médiatisée, pour laisser le théâtre lui-même nous parler de la vie et de la mort, avec le rire au bord des yeux : voilà le défi relevé par Côme de Bellescize et son équipe.
Amédée
Texte et mise en scène de Côme de Bellescize - Théâtre 13
Festival d'Avignon, Du 4 au 26 juillet 2015, L'Entrepôt, 13h45
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